↑  La LOM facilitera la mobilité des usagers en permettant d’utiliser différents moyens de transports

La loi d’orientation des mobilités (LOM) est maintenant adoptée. Elle doit être une marche parmi d’autres à gravir, pas un palier où il convient maintenant de se reposer puis dormir.

    par   Laurent Radisson   –  le 20 novembre 2019

La loi mobilités définitivement adoptée : le pari d’améliorer les transports du quotidien

Le Parlement a définitivement adopté la loi d’orientation des mobilités après un parcours semé d’embûches. L’exécutif fait le pari d’une amélioration des transports au quotidien. Les ONG dénoncent l’insuffisance face à l’urgence climatique.

« L’objectif est simple : des transports du quotidien à la fois plus faciles, moins coûteux et plus propres ». Tel est, résumé par Élisabeth Borne, l’apport de la loi d’orientation des mobilités (LOM) adoptée définitivement par l’Assemblée nationale mardi 18 novembre après un long parcours parlementaire, qui a lui-même succédé aux assises de la mobilité. Le Sénat a rejeté le texte par deux fois, dénonçant l’absence de moyens dédiés aux intercommu- nalités pour exercer leurs nouvelles compétences d’organisation de la mobilité.

Si les observateurs et les ONG reconnaissent de réelles avancées dans la loi, notamment sur la politique vélo, beaucoup dénoncent un texte bien trop timide par rapport à l’urgence climatique et la pollution de l’air, alors que la France vient de se faire condamner par la justice européenne.

Interdiction de vente des véhicules à énergie fossile

Quelles sont les principaux apports du texte ? La ministre de la Transition écologique vante l’adoption de nombreuses mesures en faveur de mobilités plus propres. Parmi celles-ci figure l’inscription dans la loi de l’objectif d’une neutralité carbone des transports terrestres d’ici 2050, avec une réduction de 37,5 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et l’interdiction de vente des voitures à énergie fossile d’ici 2040. Le Réseau Action Climat (RAC), qui tient un tableau de bord climatique de la politique transport du Gouvernement, pointe l’incohérence de cette date d’interdiction, alors que « limiter la hausse des températures à +1,5°C implique de l’avancer à 2030 ».

La loi fixe l’objectif de multiplier par cinq, d’ici 2022, les bornes de recharge publiques pour les véhicules électriques. Elle contient plusieurs mesures de soutien à la mobilité électrique : équipement obligatoire des parkings de plus de dix places des bâtiments neufs ou rénovés, création d’un droit à la prise en habitat collectif et simplification des règles de vote pour les travaux, possibilité de recharge gratuite sur le lieu de travail. Le ministère de la Transition écologique met également en avant des mesures de soutien aux véhicules fonctionnant au gaz : possibilité de raccorder des stations d’avitaillement au réseau de transport de gaz, dispositif en faveur d’un usage local du biogaz pour la mobilité.

Le texte voté prévoit aussi des mesures pour verdir progressivement les flottes professionnelles, tant de l’État et des collectivités locales que des entreprises. « Les décisions relatives aux objectifs pour les plateformes de taxis et VTC sont, elles, renvoyées à un décret », déplore toutefois le RAC.

Élisabeth Borne met également en avant le soutien au développement de zones à faibles émissions (ZFE). Quinze collectivités se sont engagées dans une démarche de création ou de renforcement d’une telle zone d’ici 2020, indique-t-elle, permettant de limiter la circulation aux véhicules les moins polluants selon les critères de leur choix (périmètre, horaires, types de véhicules). « Les restrictions de circulation lors des pics de pollution pourront être prises de façon automatique par les préfets », vante aussi le ministère. La mesure sur les ZFE n’intègre pas de fortes obligations de résultats, analyse toutefois le RAC. « Elle ne garantit pas que tous les véhicules diesel, puis essence, soient interdits en zone urbaine dense d’ici 2025, une mesure pourtant indispensable pour réduire significativement la pollution de l’air », explique l’ONG. Le réseau d’associations salue toutefois le « petit pas en avant » représenté par la possibilité de créer des zones à trafic limité.

L’usage du vélo pleinement reconnu comme mode de transport

La loi contient également plusieurs dispositions en faveur des mobilités douces. C’est tout d’abord la mise en œuvre du plan vélo qui vise à tripler la part modale de la petite reine d’ici 2024 pour la porter à 9 % : obligation de réaliser des itinéraires cyclables en cas de travaux, réalisation d’un schéma national des véloroutes et voies vertes, interdiction de stationnement de cinq mètres en amont des passages piétons, signalisation des angles morts des poids lourds, équipement des trains et des autocars, assouplissement des conditions pour créer un local vélo dans une copropriété. Le Club des villes et territoires cyclables se félicite de ce cadre « globalement incitatif qui reconnaît pleinement l’usage du vélo comme un mode de transport à part entière ». « C’est la mise en application concrète [de ces avancées] qui sera, au final, le seul critère de jugement sur la nouvelle loi », réagit Pierre Serne, son président.

Autre mesure emblématique de la loi : la création du forfait mobilité durable qui remplace l’indemnité kilométrique vélo jugée trop complexe. Il permet à tous les employeurs (publics et privés) de contribuer aux frais de déplacement domicile-travail de leurs salariés en covoiturage ou à vélo jusqu’à 400 euros par an (€/an) en franchise d’impôts et de cotisations sociales. L’État employeur s’est engagé à mettre en place le forfait mobilité durable pour tous ses agents à hauteur de 200 €/an. Le Club des villes cyclables regrette le caractère facultatif de cet accompagnement et le plafonnement à 400 €/an du cumul avec le remboursement de 50 % des frais de transports en commun, ce qui « le rend sans objet dans de nombreux territoires ». Petite consolation : la question des déplacements des travailleurs doit désormais être mise au programme des négociations obligatoires dans les entreprises de plus de 50 salariés.

La loi fixe par ailleurs un nouveau cadre de régulation pour les offres de mobilité en free-floating avec « un régime d’autorisation préalable délivré par la commune et un cahier des charges défini localement à respecter », indique le ministère de la Transition écologique.

Supprimer les zones blanches

La loi ne garantit pas que tous les véhicules diesel, puis essence, soient interdits en zone urbaine dense d’ici 2025, une mesure pourtant indispensable pour réduire significativement la pollution de l’air.
Réseau action climat

La LOM a également pour ambition de supprimer les « zones blanches » de la mobilité. Pour cela, elle prévoit que l’ensemble du territoire soit couvert par des autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Le texte laisse le choix aux communes, d’ici le 31 décembre 2020, de s’emparer de cette compétence via leur intercommunalité. À défaut, la compétence reviendra aux régions. « Les plans de mobilité sont créés, et remplaceront les actuels plans de déplacement urbain (PDU) », vante aussi Élisabeth Borne. « Malheureusement, [les AOM] ne bénéficient pas d’un financement supplémentaire spécifique et l’obligation d’introduire des mesures pour la mobilité solidaire dans leur plans de mobilité a disparu du projet de loi », regrette le RAC.Rejoignant la critique du Sénat, la Fondation Nicolas Hulot pointe aussi le risque que les collectivités ne puissent s’approprier les outils proposés faute de moyens financiers supplémentaires. « Ce projet de loi porte des investissements sans précédent : 13,4 milliards d’euros dans le quinquennat », vantent au contraire Élisabeth Borne et son secrétaire d’État aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari.

Mais l’ONG met aussi à jour d’autres insuffisances : « Le fret n’a pas été abordé, l’aérien traité “à part”, les mesures fiscales reportées à la loi de finances, la maîtrise des déplacements et la sobriété tout simplement évitées… ». Parmi les contradictions relevées, figure celle de soutenir les alternatives à la voiture, tout en continuant à miser de manière prioritaire sur ce mode de transport « Aucune mesure fiscale n’a aujourd’hui été concrétisée afin de freiner l’explosion du marché de SUV dont les ventes ont été multipliées par quatre depuis 2010 », pointe Pierre Cannet du WWF, qui appelle les sénateurs à agir dans le cadre du projet de loi de finances (PLF 2020).

Pour les mois à venir, l’enjeu est celui de la mobilisation des acteurs territoriaux mais aussi des entreprises. « Les élections municipales de mars 2020 seront un premier test de la réceptivité des élus à ce nouveau cadre des politiques publiques », juge la Fondation Nicolas Hulot.

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