Le choix du réseau ou “backbone” pour des applications “Smart City” est fondamental. Cet article indique que choisir d’un seul réseau pour tout faire n’est pas ce que de la plupart des villes font.

   –   28 janvier 2020

Smart city : quel réseau choisir pour quel service

LoRaWAN fait partie des réseaux IoT les plus répandus, mais les collectivités en adoptent différents en fonction de leurs besoins.

35% des villes dans le monde ont déployé fin 2019 un projet IoT, selon une étude du cabinet IDC. L’engouement est manifeste en France, aussi bien auprès des grandes villes que des petites collectivités, observe Objenious, la marque IoT de Bouygues Telecom qui comptabilise “trois fois plus de projets dans la smart city qu’il y a deux ans”. La caractéristique des projets de smart city est de renvoyer à une multitude d’applications, de la gestion des déchets à la mesure de la qualité de l’air, en passant par la sécurité et la relation avec les citoyens. Et à chaque usage correspond un réseau. “Le réseau constitue la partie la moins chère d’un projet IoT, il ne représente que 5 à 15% des coûts d’une solution, mais il s’agit d’un élément critique à choisir en premier, assure Stéphane Dejean, chief marketing officer chez Kerlink, fournisseur français de solutions réseau pour l’IoT. De nombreux déploiements ont été effectués de façon isolée, sans vision d’ensemble, ce qui a empêché les villes de rentabiliser leurs projets.”

Les collectivités ont le choix entre un peu plus d’une demi-douzaine de réseaux pour leurs projets IoT. “L’avantage, c’est que chacun a des caractéristiques propres, ce qui permet de les classifier facilement”, affirme Delphine Woussen, directrice smart cities chez Orange Business Services. Parmi eux, LoRaWAN figure parmi les plus répandus. Ce réseau longue portée bas débit séduit par sa facilité d’installation. “Par son aspect plug and play, il est accessible aux collectivités qui n’ont pas de compétences techniques et leur permet d’envisager des services de manière inclusive”, souligne Wienke Giezeman, CEO et cofondateur de The Things Industries, fournisseur néerlandais de services pour l’IoT qui axe son événement annuel ces 30 et 31 janvier sur le thème de la smart city vu l’intérêt du marché. Autre avantage majeur : LoRaWAN est un protocole ouvert, ce qui permet aux villes de changer de prestataires et de bénéficier d’un large catalogue de produits grâce aux quelque 500 membres de l’Alliance LoRa. “Ce réseau se distingue aussi par son côté bidirectionnel, ce qui accroît la sécurité avec la possibilité de faire des mises à jour”, ajoute Wienke Giezeman.

Son concurrent Sigfox tire quant à lui parti de son coût. “Un module Sigfox revient à 1,5 dollar, contre un peu moins d’une dizaine de dollars pour un module LoRa et une quinzaine pour du cellulaire”, assure Florian Splendido, responsable de l’activité de conseil IoT Agency chez Sigfox. Ce réseau permet également une couverture en roaming dans 70 pays. Un avantage pour les services aux citoyens, notamment en mobilité. “Les villes observent ce qui est fait à l’étranger. Sigfox permet de bénéficier de références transposables sans problème d’intégration”, met en avant Florian Splendido. Sigfox et LoRaWAN permettent par ailleurs aux villes de déployer une installation réseau dédiée, pour renforcer la pénétration du réseau en ajoutant ici et là des antennes.

La 5G pour du tourisme immersif

Moins connu mais développé spécifiquement pour les smart cities par GRDF, Sagemcom et Suez, le réseau Wize a la particularité d’offrir une meilleure pénétration grâce à son utilisation de la fréquence 169 MHz. Son premier usage concerne les relevés des compteurs communicants, mais peut être étendu à d’autres applications. “Avec le déploiement des compteurs Gazpar, Wize est en passe de devenir un réseau national”, prévient Ouassim Driouchi, senior manager chez le cabinet de conseil BearingPoint.

Dans les projets de villes intelligentes, les réseaux cellulaires restent cependant dominants. “Ils interviennent pour les usages nécessitant des débits importants, comme la vidéosurveillance”, indique Delphine Woussen, chez Orange. L’atout des réseaux cellulaires est de s’appuyer sur des bornes réseaux déjà déployées au niveau national, ce qui réduit le temps de mise en œuvre. “Le LTE-M est davantage utilisé en France que le NB-IoT, considéré comme moins pertinent au niveau de la consommation énergétique”, observe Stéphane Dejean, de Kerlink. L’interrogation actuelle des collectivités quant aux réseaux cellulaires concerne l’arrivée de la 5G. “Certaines collectivités se demandent si elles doivent attendre cette nouvelle génération car la 5G permettra de tout faire. Elle facilitera notamment les projets de tourisme immersif pour renforcer l’attractivité du territoire. Il faudra néanmoins attendre 2025, date à laquelle les technologies LPWAN auront été éprouvés”, concède Delphine Woussen.

“Il est rare qu’un réseau réponde à l’ensemble des usages”

Les réseaux à longue portée ne sont pas les seuls à intervenir dans la smart city, les réseaux de courte portée y ont aussi leur place. Zigbee ou Z-Wave sont utilisés pour les initiatives à l’échelle du bâtiment. “De même, les collectivités passent par la fibre pour la vidéosurveillance ou le courant porteur en ligne (CPL) pour l’éclairage intelligent, l’un des principaux projets mis en oeuvre car il offre un ROI immédiat”, pointe Ouassim Driouchi, chez BearingPoint. La Smart Buildings Alliance rappelle la nécessité pour une collectivité d’adopter une vision globale, à l’image de ce qu’a fait Dijon avec son projet d’hyperviseur. “Il faut prendre en compte l’ensemble des projets et évaluer l’empreinte carbone. Autrement, les villes multiplieront les capteurs et les infrastructures, ce qui n’est pas durable”, estime Emmanuel François, son président.

Pour l’ensemble des acteurs interrogés, les smart cities se dirigent vers une combinaison de réseaux. “Il est rare qu’un réseau réponde à l’ensemble des usages, les collectivités doivent les mixer en fonction des leurs critères d’utilisation et des coûts pour répondre au mieux à leurs besoins”, conseille Delphine Woussen. “Plus les réseaux seront ouverts, plus les citoyens en tireront bénéfice”, renchérit Jérôme Cornu, directeur du marketing et de la communication chez Objenious. L’entreprise Kerlink a créé à cet égard l’Alliance uCiFi, destinée à créer un modèle de données permettant aux capteurs de communiquer en LoRaWAN, NB-IoT et réseaux mesh open source. Les premières spécifications du projet seront publiées à l’été 2020.

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