Ce que certains ont estimé être une experimentation est devenu dans beaucoup de ville une de facto lancement sans réglementation, adaptation de l’infrastructure et sans formations pour la sécurité routière de politique pour les assurance, et sans politique pour la gestion des données et de ces nouveaux véhicules dans la ville adéquates et communes pour tous les opérateurs.

C’est donc maintenant qu’il faut traiter ces sujets

     by  Joel Hazan  –

Vélos et trottinettes en libre-service : la dictature du court terme

Le test du chamallow constitue l’une des expériences de sciences sociales les plus connues de l’histoire. Dans les années 1960, Walter Mischel, professeur à Stanford, soumet des enfants à un test simple : se retenir de manger un chamallow tout de suite, en échange de la promesse d’en avoir un deuxième s’ils attendent le retour du chercheur. Seul un tiers des enfants refuse la gratification instantanée. Suivis pendant plusieurs décennies, ceux-ci se révèlent plus résilients, plus heureux, plus sociaux et en meilleure santé.

Il en va aujourd’hui de même des start-ups dans le domaine de la mobilité : l’immense majorité d’entre elles choisit la gratification instantanée. Celle de la croissance rapide, non concertée avec les villes, qui permet de se financer de levée de fonds en levée de fonds. Très peu font le choix vertueux de la gratification différée, qui consiste à travailler à des partenariats de long terme avec les villes, pour les aider à résoudre leurs problèmes de politique de transport.

Il faut reconnaitre que tout les pousse à cette erreur, et en premier lieu leurs investisseurs. « Nous finançons en priorité les business B2C avec un fort potentiel de croissance immédiate ». Voici la réponse – ô combien décevante – que l’un des investisseurs les plus proéminents du monde des nouvelles mobilités, actif aux Etats-Unis et en Europe, m’a donnée lorsque je l’interrogeais sur son rôle dans l’évolution de la mobilité urbaine. Puis d’expliquer que sa priorité est d’aider leurs diverses entreprises en portefeuille de trottinettes et autres scooters électriques à s’implanter le plus vite possible, dans le plus de villes possibles. Est-il prévu de demander à ces villes si cela répond à leurs objectifs de politique de transport ? Non, ce n’est pas à l’ordre du jour.

Ces investisseurs sont toujours plus friands de nouvelles mobilités. Près de 70 licornes ont ainsi émergé dans le monde : 32 en Chine, 20 aux États-Unis, 5 en Israël, 4 (seulement) en Europe… Les levées de fonds augmentent de plus de 50% par an depuis cinq ans. L’argent est facile, et les services de micro-mobilité sont évidemment les premiers bénéficiaires de cette manne : les levées de fonds des plateformes de vélos ou trottinettes partagés ont été multipliées par dix entre 2016 et 2018, atteignant 3,2 milliards d’euros en 2018.

Le résultat – une croissance spectaculaire – est conforme aux attentes des investisseurs : cinq mois ont suffi à Lime pour atteindre en France la pénétration atteinte par UBER ou CityScoot en 18 mois (étude BCG-Fox Intelligence). Les valorisations sont elles aussi au rendez-vous : Lime est valorisé à 2,4 Md$ seulement deux ans après sa fondation, Bird à plus d’1 Md$.

Mais dans la durée, pour l’instant, rien ne s’ancre. D’après nos recherches, si 80% des Franciliens ont testé l’usage des nouvelles mobilités, moins de 3% les ont intégrés à leur routine quotidienne. Aujourd’hui, dix marques de trottinettes électriques s’affrontent dans les rues de Paris. Il y avait au moins autant de marques de vélo en libre-service l’année dernière ; qui s’en souvient encore ? OFO, champion du vélo en libre-service un temps valorisé 2,8Md€, a frôlé la faillite avant de se résoudre à fermer toutes ses activités hors de Chine.

L’enjeu des micro-mobilités est réel et mérite un meilleur traitement. Vélos, scooters et trottinettes sont un complément indispensable du transport public et de la voiture. Leur performance environnementale et leur capacité à aider à réduire la congestion sont indiscutables. Dans la plupart des grands centres urbains, les vélos permettent aujourd’hui de se déplacer plus vite qu’en voiture.

Tant que les investisseurs seront la seule source de gratification possible pour les entreprises de mobilité, nous n’aurons que nos yeux pour pleurer. La croissance rapide et « pirate » restera le meilleur modèle économique à court terme, bien que non pérenne. Les villes, elles, n’ont en effet souvent rien de mieux à offrir qu’un labyrinthe administratif au bout duquel se trouvent, pour ceux qui s’en sortent, des marges faibles et incertaines. Elles doivent rapidement trouver les moyens du financement de l’innovation et simplifier leur gouvernance, afin que la gratification proposée à leurs partenaires privés, même si différée, soit réelle. A Paris, la charte proposée par la Mairie n’est donc que la première étape d’un long voyage, ou opérateurs et pouvoirs publics devront mutuellement s’apprivoiser.

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