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Souvent négligé, il est impotant que le transition du cadre et entre cultures se passe bien pout tout la famille

par Katie Russell  –  le

Enfants expatriés : comment les aider à s’adapter

Privés de leurs repères familiers, les enfants expatriés courent plus de risques que les autres de souffrir de troubles psychologiques. Les conseils de trois experts pour les aider à surmonter le choc culturel.

C’est décidé : vous partez vivre à l’étranger. Vous consacrez toutes vos journées à essayer d’arriver au bout d’une liste interminable de choses à faire et, pour ne rien arranger, vos enfants disent qu’ils refusent de déménager.

La perspective de vivre dans un autre pays effraie souvent les enfants, mais l’expérience peut leur être extrêmement bénéfique. La vie d’expat leur permet de connaître de nouvelles cultures, de se faire de nouveaux amis et parfois même d’apprendre une autre langue, ce qui peut jouer en leur faveur lorsqu’ils voudront entrer à l’université ou postuler pour un emploi.

Pourquoi les enfants peuvent avoir des difficultés à s’adapter

Malgré tous les bienfaits de la vie d’expat, les enfants subissent souvent un choc culturel, surtout lorsque la langue parlée dans le nouveau pays n’est pas la même que dans le leur. Si les plus petits apprennent généralement très vite, les jeunes adultes peuvent avoir davantage de mal.

Franchir cet obstacle est également souvent problématique pour les adolescents parce qu’ils sont en train de se construire une identité et qu’ils ont besoin pour cela de leurs amis et de leur vie à l’extérieur du foyer familial. Partir à l’étranger fait voler en éclats ce système de soutien et “laisser ce réseau derrière soi peut être extrêmement difficile”, explique Patric Esters, psychologue pour enfants expatriés au cabinet Mending Mind.

Selon lui, il faut parfois un an pour qu’un enfant s’adapte à son nouvel environnement. Pendant cette période, “il se peut qu’il se montre moins sociable, qu’il sorte moins et qu’il ait du mal à se faire de nouveaux amis”. Les enfants participent aussi souvent beaucoup moins en classe, ajoute Simone T. Costa Eriksson, psychologue pour expatriés au cabinet de conseil Interculturalplus.

Confrontés à tous ces soucis, les enfants expatriés courent plus de risques que les autres de souffrir de troubles psychologiques : “Les problèmes de santé mentale sont exacerbés parce qu’ils n’ont pas leur réseau de soutien habituel”, poursuit Esters, autrement dit leurs amis et les autres membres de leur famille.

Mais partir vivre à l’étranger n’est pas forcément négatif pour les enfants. “Cela revient à peu près à se demander s’il est bon ou mauvais que les parents divorcent, déclare Simone T. Costa Eriksson. Cela peut s’avérer libérateur, marquer le début d’une nouvelle époque où tout le monde est plus heureux ou être une catastrophe. Tout dépend de la façon dont on gère cette transition.”

Préparer les enfants au départ

Vous serez peut-être obnubilé par la nécessité de mettre à jour vos tableaux Excell et de rayer des lignes sur votre liste de choses à faire, mais vous devrez aussi prendre le temps d’aider votre enfant à s’adapter à l’idée de partir. Voici quelques conseils d’experts.

  • Donnez-leur le plus de détails possible

Si vous savez que vous allez partir, dites-le tout de suite à vos enfants pour amoindrir le choc, recommande la blogueuse Nina Hobson, qui est partie vivre à l’étranger avec sa famille :

Prévoyez du temps pour parler du déménagement d’une façon adaptée à l’âge de l’enfant. On peut par exemple avoir une conversation en tête-à-tête avec les plus vieux, et lire le soir aux plus jeunes une histoire parlant du pays d’accueil.”

Lorsqu’on leur annonce la nouvelle, il faut leur dire pourquoi la décision a été prise de partir (pour un nouveau travail, pour s’occuper d’un parent, etc.). “S’il y a une bonne raison, le ‘comment’ sera plus facile”, explique Esters. Dites également à vos enfants combien de temps durera votre séjour.

  • Expliquez la différence entre “la” maison et “une” maison

La majeure partie de la détresse émotionnelle éprouvée par les enfants vient de la peur de perdre leur maison, avec la sécurité et la routine familière qu’elle représente. Pour éviter cela, Simone T. Costa Eriksson conseille de “s’assurer que les enfants savent qu’ils ne vont pas perdre leur foyer mais juste changer de domicile”.

Une maison est une construction en briques où l’on vit, ce qui est différent du sentiment abstrait d’être “chez soi” :

Tout ce que les enfants font à la maison, comme le bisou du soir ou manger tous ensemble, c’est ce qui fait ‘la maison’. Assurez-vous que les enfants comprennent bien la différence.”

Cela leur donnera un sentiment de sécurité, ajoute-t-elle.

  • Emportez des objets ayant une valeur sentimentale

Pour que votre nouvelle maison devienne “la maison”, encouragez vos enfants à mettre des choses auxquelles ils tiennent dans leurs bagages. Tanya Crossman, auteur de Misunderstood : The Impact of Growing Up Overseas in the 21st Century [“Les incompris : l’impact de grandir à l’étranger au XXIe siècle”, non traduit] :

Si vous ne pouvez pas en prendre beaucoup, assurez-vous que vos enfants choisissent des objets qui les aideront à se sentir chez eux, pas seulement les jouets avec lesquels ils jouent tout le temps ou les livres qu’ils lisent le plus souvent, mais des choses qui ont une valeur sentimentale.”

Il peut s’agir d’objets de la vie de tous les jours, ajoute-t-elle : “J’ai rencontré plusieurs familles qui tenaient beaucoup à leurs rideaux ou à leur linge de lit, c’était un moyen de transformer une pièce en ‘leur’ chambre peu importe la maison ou le pays où ils vivaient.”

  • Permettez-leur de tourner la page sainement

Avant de quitter son pays d’origine, il est important de prendre un moment pour “faire ses adieux, pour laisser les choses derrière soi”, explique Eriksson. Pour aider vos enfants à tourner la page de façon saine, vous pouvez leur faire suivre le cheminement décrit par David Pollock et Ruth Van Reken dans leur livre Third Culture Kids [“Les Enfants triculturels”, non traduit] :

1) Se réconcilier : encouragez vos enfants à résoudre tous leurs conflits avant de partir. S’ils restent fâchés avec leur meilleur ami, cela peut finir par les hanter parce qu’ils n’auront peut-être pas l’occasion de leur parler avant plusieurs années.

2) Déterminer ce qui compte : assurez-vous que vos enfants voient précisément quels amis et membres de la famille leur manqueront le plus. Ils peuvent aussi réfléchir à des traditions ou des habitudes qu’ils voudront emporter dans leur nouveau pays.

3) Faire des adieux : encouragez vos enfants à dire au revoir aux personnes qui comptent pour eux. Cela peut être en organisant une fête d’adieu ou en offrant un cadeau à ces personnes.

4) Penser à la destination : orientez les pensées de vos enfants vers l’endroit où ils vont vivre et parlez-leur des choses qui changeront dans leur quotidien.

  • Expliquez-leur ce qui va changer

Selon Tanya Crossman :

Les enfants ont besoin d’une routine et d’un rythme de vie régulier pour pouvoir s’épanouirIls ont besoin de la stabilité qu’apporte le fait de voir des visages familiers et d’être dans des lieux qu’ils connaissent. Déménager à l’étranger est un gros changement, mais vous pouvez y préparer vos enfants.”

“Par exemple, un mois avant le départ, décrivez-leur l’endroit où ils vont vivre et comment se dérouleront leurs journées”, conseille-t-elle. Si possible, montrez-leur des photos du quartier où vous vivrez, et plus particulièrement de votre nouvelle maison et de l’école. “Cela donne aux enfants des repères visuels qui induisent un sentiment de familiarité, l’impression de déjà connaître l’endroit”, poursuit-elle, ce qui permet d’amoindrir le choc.

Informez également vos enfants des changements dans leur routine à la maison, et assurez-vous qu’ils savent bien quels objets domestiques resteront derrière eux.

Comment aider vos enfants à s’adapter une fois sur place

Il y a de fortes chances pour que, les premiers jours, vos enfants vous disent qu’ils veulent retourner à la maison. La nouvelle école pourra vous proposer un soutien (notamment les écoles internationales, observe Patric Esters), mais il y a certaines choses que les parents peuvent faire pour faciliter l’adaptation.

  • Dites la vérité sur ce que vous ressentez

Il est tentant d’afficher un grand sourire et de faire comme si tout était fabuleux, mais cela n’aidera pas longtemps vos enfants. Au lieu de cela, vous devez “leur montrer comment exprimer des sentiments difficiles”, dit Tanya Crossman. Elle vous conseille d’être sincère et d’admettre que vous vous sentez triste, ou fatigué, ou que vos amis vous manquent :

Montrez à vos enfants qu’il n’y a rien de mal à exprimer ses émotions et apprenez-leur comment le faire.”

  • Ne les obligez pas à être heureux

Lorsque vous exprimez vos émotions, laissez également vos enfants dire les leurs. “Permettez-leur de ressentir leurs propres émotions et de les exprimer”, dit Simone T. Costa Eriksson.

Si vos enfants s’ouvrent à vous et vous disent qu’ils sont tristes, ne les obligez pas à se sentir heureux. “Être positif et voir le bon côté des choses est une bonne attitude en général, mais il faut laisser les enfants ressentir ce qu’ils ressentent”, poursuit-elle.

Au lieu d’essayer de leur remonter le moral, montrez à vos enfants que vous êtes là et soyez simplement un bon auditeur. “Offrez-leur le cadeau de les écouter et de comprendre ce qu’ils ressentent au lieu d’essayer de régler le problème”, dit Tanya Crossman :

Laisser tout ce qu’on a derrière soi est difficile, construire une nouvelle vie à partir de zéro est difficile, et il est normal de se sentir triste ou même en colère. Ce ne sera pas toujours comme ça, mais pour l’instant, on a le droit d’être contrarié.”

  • Jeux de rôles

Si vos jeunes enfants ont du mal à se faire des amis à l’école, Simone T. Costa Eriksson vous conseille de jouer à des jeux de rôles avec eux. Inventez une histoire où un enfant imaginaire, disons Betsy, est en difficulté, et encouragez vos enfants à trouver des solutions en leur demandant ce que Betsy pourrait faire pour arranger les choses. “Au lieu de subir la situation, ils apprennent à chercher de l’aide et à prendre des mesures pour y remédier”, explique-t-elle.

Le fait de parler des personnages aide les enfants à mieux comprendre ce qui leur arrive. C’est l’une des raisons pour lesquelles Eriksson a coécrit un livre pour enfants, The Mission of Detective Mike : Moving Abroad [“La grande mission du détective Mike : déménager à l’étranger”, non traduit] :

Parler des personnages du livre et de ce qu’ils ressentent aide les enfants à comprendre leur propre vécu et ils voient ce que les autres enfants ressentent lorsqu’ils déménagent.”

  • Conserver les traditions et ses amis

Avec les réseaux sociaux, Skype ou FaceTime, il est aujourd’hui plus facile que jamais de rester en contact avec ses amis lorsqu’on part s’installer dans un autre pays. Mais “la technologie seule n’est pas la solution”, avertit Eriksson, et les enfants doivent “multiplier les initiatives” pour garder leurs amis. Encouragez vos enfants à contacter régulièrement leurs amis dans leur pays d’origine.

Vos enfants voudront sans doute continuer certaines traditions familiales dans leur nouvelle maison. Que ce soit prendre un verre de lait avec vous avant d’aller au lit ou dîner tous ensemble à une certaine heure, essayez de garder ces habitudes pendant que vous vous installez “pour favoriser un sentiment de stabilité et de familiarité”, recommande Patric Esters.

  • S’intégrer à la nouvelle culture

Lorsqu’on arrive dans un nouveau pays, explique Tanya Crossman, il est tout aussi important de “faire son nid” que de “partir en exploration”. Faire son nid, c’est-à-dire transformer sa maison en son “chez soi” est important parce que “c’est l’endroit où l’on rentre après une journée stressante passée à s’adapter à nouvelle vie”, dit-elle. Mais une fois l’installation terminée, il faut partir explorer les environs et “prendre le temps de les rendre familiers”.

Participer à la vie locale est également un bon moyen d’aider toute la famille à s’adapter. En général, ajoute Patric Esters, les familles d’expatriés “passent d’une bulle d’expats à une autre” et ne tissent pas beaucoup de liens avec la culture locale. Il recommande donc de parler aux gens et de participer aux événements locaux, car cela donne l’impression d’être “vraiment connecté à un lieu et d’en faire partie”.

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