↑   Dans une économie globalisée et numérique, le retour à ses racines est une façon de se rassurer, de se protéger.  Shutterstock

Cet article plaide pour le maintien et/ou la redécouverte d’une dimension locale et territoriale de l’économie. C’est à ce niveau que l’économie pourra se conjuguer avec une action sociale et solidaire.

     par Jean-Paul Mazoyer (directeur général de Crédit Agricole Pyrénées Gascogne)  –  le 16 juillet 2019

Le territoire, lieu de toutes les solidarités

LE CERCLE – La mondialisation et Internet n’ont pas supprimé le besoin d’enracinement des citoyens. Au contraire, ils l’ont revitalisé. Pour Jean-Paul Mazoyer, directeur général de Crédit Agricole Pyrénées Gascogne, c’est donc au niveau des territoires que doivent s’installer de nouvelles solidarités, économiques et sociales.

La mondialisation des échanges et Internet n’ont pas fait disparaître le besoin d’enracinement. Ils rendent encore plus fondamental le rôle des acteurs économiques et financiers du territoire. « L’enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine », écrivait la philosophe Simone Weil. Depuis l’origine, l’humanité s’est définie par rapport à deux désirs profonds et difficiles à réconcilier : celui de l’enracinement à une famille, un territoire, des traditions ; et celui de l’arrachement, cher à d’autres philosophes, ceux des Lumières, et qui pousse l’humain à s’émanciper, à découvrir, à conquérir.

On a pu croire que la mondialisation des échanges et Internet allaient faire disparaître le besoin d’enracinement au profit d’une nouvelle culture globale, dans laquelle l’Homme serait un « citoyen du monde » et non plus de « quelque part ». On s’aperçoit, depuis quelques années, que la mondialisation n’a en aucun cas supprimé ce désir d’enracinement. Au contraire, elle l’a revitalisé. Au fur et à mesure que se dissipait le mythe de la « mondialisation heureuse », et face aux évolutions radicales qui bouleversent l’économie et la société, le retour à ses racines est apparu comme une façon de se rassurer, de se protéger, de retrouver un sentiment d’appartenance et de reconnaissance.

Identité et globalisation

Ce mouvement de fond est une chance pour les territoires : ils redeviennent ainsi des lieux d’épanouissement, de créativité, de solidarités. Enracinement ne signifie pas enfermement, bien au contraire. Considérer le territoire comme lieu privilégié de création de richesse économique, culturelle, sociétale, c’est aussi l’inscrire dans un environnement plus large, l’ouvrir au monde extérieur, l’installer dans un réseau d’échanges et de partage.

J’observe en particulier la façon dont le Pays basque, auquel personne ne songerait à nier sa forte identité ni son attachement à ses valeurs et à sa tradition, a su capter la globalisation d’un certain nombre d’habitudes de consommation pour y installer ses propres pratiques, comme le surf ou les sports de plein air, et développer une activité économique florissante et largement internationalisée.

Espace de croissance, le territoire est aussi le lieu de toutes les solidarités. Ces derniers mois, une partie de la société française a exprimé des inquiétudes sur ses conditions de vie, sur sa crainte d’être « laissée pour compte » dans un projet économique et social national où elle éprouve le sentiment de ne pas trouver sa place. Pour répondre à ces craintes, l’Etat a un rôle, qu’il a d’ailleurs joué lors de la crise récente. Mais c’est au niveau des territoires que doivent surtout s’installer de nouvelles solidarités.

Proximité et partage de valeurs

Le premier devoir des acteurs économiques d’un territoire est d’y créer de la croissance en faisant émerger des écosystèmes locaux, performants et collaboratifs. Cela passe par une réjuvénation de la relation entre les entreprises et le territoire, une réflexion nouvelle sur la création de pôles de compétences et de spécialisation, des actions vigoureuses en direction des start-up et des entreprises en développement. Quant au rôle des acteurs financiers du territoire, il est fondamental, à condition qu’ils disposent des pouvoirs de décision et d’arbitrage nécessaires, ce qui est la condition d’une action efficace et proche des besoins des acteurs économiques.

C’est sur ce terreau que pourront se développer des solidarités sociales et sociétales, plus que jamais fondées sur la proximité et le partage de valeurs. Dans le territoire que je connais, je ne peux que me réjouir de la vitalité du tissu associatif et des passerelles créées avec les milieux économiques. En construisant ces nouvelles solidarités, nous renouons avec une tradition ancienne qui retrouve aujourd’hui toute sa force.

Share This